LES FUNÉRAILLES DE S.A.I.R. L'ARCHIDUC OTTO DE HABSBOURG
(16 juillet 2011)

L'archiduc Otto de Habsbourg, devant un portrait de sa mère,
l'impératrice Zita (C) www.ottovonhabsurg.org.

C'est sans doute la toute dernière fois que se déroulait à Vienne le cérémonial ancestral des funérailles impériales des Habsbourg. Hormis la cérémonie plus modeste qui s'est déroulée pour l'impératrice Zita le 1er avril 1989, autant de fastes n'avaient pas été déployés dans la capitale autrichienne depuis les obsèques de l'empereur François-Joseph, le 25 novembre 1916. EN CLIQUANT ICI, vous pourrez découvrir un reportage qui présente des images des cérémonies de 1916 et 1989. EN CLIQUANT ICI, vous trouverez une autre vidéo des funérailles de l'époux de Sissi.


VIDÉO DES FUNÉRAILLES :

Vous pouvez visionner, via Youtube, l'émission consacrée aux funérailles de l'archiduc Otto de Habsbourg par la télévision nationale autrichienne. (C) ORF 2 (Österreichischen Rundfunks 2)

Première partie : CLIC DROIT ICI.
Début de la Messe de Requiem : avancez à 1:33.
Hymne impérial et sortie du cercueil de la cathédrale Saint-Etienne : avancez à 3:00.

Seconde partie : CLIC DROIT ICI.
Arrivée du cortège au Couvent des Capucins : avancez à 0:56.


MORT D'UN EUROPÉEN CONVAINCU

L'archiduc Otto de Habsbourg s'est éteint le lundi 4 juillet 2011, à l'âge de 98 ans, dans sa maison de Pöcking, en Bavière. Rappelons que la petite ville de Pöcking abrite le quartier de Possenhofen et le château du même nom. C'était la demeure d'été de Maximilien de Wittelsbach, duc en Bavière. C'est ici qu'il passait ses vacances avec sa famille et notamment sa fille, Sissi, future impératrice d'Autriche.


Première partie : 1912-1945.
Otto Robert Maria Anton Karl Max Heinrich Sixtus Xavier Renatus Ludwig Gaetan Pius Ignatius de Habsbourg-Lorraine est né le 20 novembre 1912, à Reichenau an der Rax, dans la Villa Wartholtz, qui fut édifiée quelques décennies plus tôt pour son arrière-grand-père, l'archiduc Karl Ludwig, frère puîné de l'empereur François-Joseph. Otto est le fils de l'archiduc Charles (né le 17 août 1887) et de son épouse, née princesse Zita de Bourbon-Parme (née le 9 mai 1892). Comme nous venons de le signifier, l'enfant n'est que l'arrière-petit-neveu de l'empereur François-Joseph. Toutefois, deux ans après sa naissance, l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand à Sarajevo fait de son père l'héritier présomptif des trônes des Habsbourg.

L'empereur François-Joseph, l'archiduc Charles et l'archiduc Otto. (C) 10/1915 Privatarchiv der Familie. www.ottovonhabsburg.org

Et puis, lorsque le vieil empereur s'éteint à son tour, en novembre 1916, Otto devient héritier alors que son père devient l'empereur Charles Ier d'Autriche, et roi apostolique de Hongrie.

L'empereur Charles Ier d'Autriche, l'impératrice Zita et le prince impérial Otto. (C) 12/1916. Privatarchiv der Familie. www.ottovonhabsburg.org

Encore deux années et c'est la fin de la Grande Guerre, la défaite de l'Autriche, l'effondrement des empires centraux et l'exil. Otto de Habsbourg a tout juste 6 ans lorsqu'il doit quitter le territoire de ses ancêtres, avec ses parents et les premiers nés d'une fratrie qui comptera bientôt huit enfants, dont la benjamine, l'archiduchesse Élisabeth, est née après le décès de son père.
Après quelques semaines passées au bord du lac de Constance, la famille impériale et royale s'installe au château de Prangins, qui domine le lac de Genève (20 mai 1919). L'année 1921 est marquée par deux tentatives de son père, destinées à le rétablir sur le trône de Hongrie. Mais deux échecs successifs poussent les chancelleries des grandes puissances à éloigner le souverain déchu : Charles et Zita sont transférés sur l'île de Madère, possession portugaise dans l'Océan Atlantique. Ils débarquent le 19 novembre 1921. Leurs enfants les y rejoignent le 2 février suivant. Charles Ier meurt deux mois plus tard, le 1er avril 1922. Otto, qui n'est âgé que de 9 ans, devient le prétendant aux trônes des Habsbourg.

L'empereur Charles sur son lit de mort, à Madère, le 1er avril 1922. (C) 04/1922 Privatarchiv der Familie. www.ottovonhasburg.org

Le sort tragique des orphelins de Madère émeut les dynasties européennes et le roi d'Espagne se décide à accorder l'asile politique à Zita et ses enfants. Il envoie le vaisseau Infanta Isabel à Funchal et accueille l'impératrice au Palais du Pardo, à Madrid. C'est là qu'elle donne naissance à l'archiduchesse Elisabeth. Alphonse XIII lui accorde la jouissance du palais Uribarren, à Lekeitio, une bourgade de la Baie de Biscaye, au Pays basque.

La famille impériale et royale est rassemblée pour fêter Noël à Lekeitio en 1925 (C) 12/1925 Privatarchiv der Familie. www.ottovonhabsburg.org
 
En 1929, Zita décide de s'installer en Belgique, afin d'offrir à ses années une solide instruction universitaire. La famille réside alors à Steenokkerzeek, près de Bruxelles.

L'archiduc Otto et sa soeur, l'archiduchesse Adélaïde, au moment de leurs études universitaires en Belgique (C) 11/1932 Privatarchiv der Familie. www.ottovonhabsburg.org

Le regain du courant monarchiste en Autriche laissent espérer à Zita et à Otto une prochaine restauration de l'Empire. Otto, même, peut s'y rendre plusieurs fois, malgré la loi d'exil. Mais l'Anschluss vient définitivement mettre un terme à leur rêve. Bien des années plus tard, Otto déclenchera une vive polémique quand, en 2008, il minimisera l'adhésion des Autrichiens à l'idéologie nazie, estimant que la foule des 60 000 personnes venues acclamer Hitler le 15 mars 1938 était comparable à l'affluence d'un "match de football le week-end". L'invasion de la Belgique par les armées du Reich poussent la famille Habsbourg à fuir vers le sud de la France. C'est le fameux Aristides de Sousa Mendes, consul du Portugal à Bordeaux, qui fournira à Otto et aux siens les visas qui leur permettront de franchir la frontière espagnole. Il en sera de même pour la Grande-duchesse Charlotte de Luxembourg et pour 30 000 autres personnes, dont environ 10 000 de confession juive. Du Portugal, les Habsbourg prennent le bateau pour les Etats-Unis, le gouvernement américain leur ayant accordé des visas. Ils parviennent à New York le 27 juillet 1940. Bientôt, Zita décide de s'installer à Québec, puisque ses plus jeunes enfants, élevés en Belgique, parlent mieux le Français que l'Anglais. Quant aux aînés, ils s'efforcent de lutter contre Hitler au mieux de leurs possibilités. Otto, qui a désormais 30ans,  réside à Washington, où il rencontre régulièrement le président Rossevelt ; Robert est le représentant de la famille à Londres ; Carl Ludwig et Félix s'engagent dans l'armée américaine.

A suivre...



LES CÉRÉMONIES

Immédiatement après l'annonce de la mort de l'archiduc, un programme de 13 jours de cérémonies a été annoncé par la famille du défunt.

Du mardi 5 au samedi 9 juillet : exposition de la dépouille à l'église Saint-Ulrich de Pöcking (Bavière).

Samedi 9 juillet : messe de requiem à l'église Saint-Pius de Pöcking (Bavière), célébrée par l'évêque d'Augsbourg, Mgr Konrad ZDARSA, en présence des membres de la famille impériale, ainsi que de plusieurs personnalités (le prince Luitpold de Bavière, cousin du prince Franz, chef de la Maison royale de Bavière ; le prince Albrecht et la princesse Elmira de Saxe ; la princesse Gloria von Thurn-und-Taxis ; le ministre des finances du Land de Bavière Georg FAHRENSCHON...). Le cercueil, recouvert par un drapeau aux armes de la dynastie, était cerné par six gardes tyroliens. Un message du pape Benoît XVI a été lu.

Lundi 11 juillet : messe de requiem à la Theatinerkirche (Eglise des Théatins) de Munich (Bavière), célébrée par le cardinal Rainhard Marx, en présence de plus de 600 personnes (dont le ministre-président du Land de Bavière, Horst SEEHOFER). Le grand rabbin de Munich, Steven Langdas, a prononcé la prière des morts et rendu hommage au soutien que la famille Habsbourg avait apporté aux Juifs pendant les sombres heures du nazisme.

Mercredi 13 juillet : messe de requiem à la Wallfahrtsbasilika de Mariazell (Autriche), célébrée par l'évêque de Graz-Seckau, Mgr Egon KAPELLARI, entouré de 24 concélébrants, venus des anciens Etats gouvernés par les Habsbourg, et notamment de Hongrie et de République tchèque, du nonce apostolique Peter ZURBRIGGEN  et du cardinal Christoph SCHÖNBORN, représentant personnel du pape. La famille était entourée par un millier de personnes et notamment des représentants d'associations et d'ordres religieux, tel que l'Ordre de Malte.

Jeudi 14 et vendredi 15 juillet : exposition des cercueils de l'archiduc Otto et de son épouse, l'archiduchesse Regina, décédée en 2010, dans l'église des Capucins de Vienne (Autriche).

Samedi 16 juillet : messe de requiem à la cathédrale Saint-Etienne de Vienne (Autriche), célébrée par le cardinal Christoph Schönborn, puis cortège funéraire jusqu'à la crypte des Capucins.

Dimanche 17 juillet : messe de requiem à la basilique Saint-Etienne de Budapest (Hongrie).


La Crypte des Capucins

L'un des moments les plus emblématiques des funérailles des membres de la famille impériale se déroule sur la place du Neuer Marktet. Le cortège arrive devant les portes closes du couvent des Capucins de Vienne. Un héraut frappe à la porte, pour annoncer la venue du défunt, en citant tous ses titres. Le père abbé répond alors : "Nous ne le connaissons pas". Une nouvelle tentative est faite en résumant ses titres (pour l'archiduc Otto, il s'agissait cette fois de ses fonctions politiques, après l'énoncé de ses titres dynastiques). La réponse des moines est la même. Pour la troisième tentative, le héraut ne donne que le prénom du mort, suivi de la mention "un pauvre pécheur". C'est alors seulement que le père abbé autorise le défunt à rejoindre ses ancêtres et ordonne que les portes soient ouvertes.

L'arrivée du cercueil d'Otto de Habsbourg devant l'église des Capucins 
(C) Le Temps / www.letemps.ch.

Fondés le 10 novembre 1617 par l'impératrice Anne du Tyrol, épouse de l'empereur Matthias Ier, l'église Sainte-Marie-des-Anges et le couvent attenant sont édifiés sur la place du Neuer Market (Nouveau Marché), à deux pas de la Hofburg, pour abriter les Frères Capucins de Vienne. Ils devaient aussi abriter la sépulture des souverains. Toutefois, Anne meurt en 1618 et son mari l'année suivante, alors que la construction ne débute qu'en 1622. La première pierre est posée le 8 septembre, en présence de leur successeur, l'empereur Ferdinand II, mais, du fait de la Guerre de Trente Ans, l'église ne sera achevée et consacrée que dix années plus tard, le 25 juillet 1632. Les cercueils de Matthias et Anne y sont finalement déposés, lors d'une cérémonie solennelle, le jour de Pâques de l'année suivante. La Crypte des Fondateurs (Gründergruft) est située sous la chapelle de l'Empereur, dans le transept gauche de l'église Sainte-Marie-des Anges. Les coeurs des souverains ont été placés dans l'église des Augustins, église paroissiale de la famille impériale, tandis que leurs viscères reposent dans la crypte ducale de la cathédrale Saint-Etienne (Stephansdom), aux côtés des dépouilles de leurs prédécesseurs.
Alors que Ferdinand II, mort en 1637, a souhaité se faire inhumer à Graz, son fils, Ferdinand III, décide que l'église des Capucins sera désormais la nécropole des souverains et des membres de la Maison Habsbourg. En 1657, le fils de ce dernier, l'empereur Léopold Ier, fait donc construire une nouvelle crypte (Leopoldsgruft), sous la nef de l'église. Léopold ayant eu trois épouses et seize enfants, la nouvelle crypte est rapidement pleine et, dès 1710, il ordonne la construction d'une extension. La nouvelle crypte (Karlsgruft) sera achevée par son fils, l'empereur Charles VI. La tombe de ce dernier, ornée de têtes de mort portant les couronnes de ses Etats (Saint Empire Romain Germanique, royaume de Bohême, royaume de Hongrie, archiduché d'Autriche), est l'une des plus somptueuses. A partir de 1754, l'impératrice Marie-Thérèse fait construire une quatrième crypte (Maria Therezen Gruft). C'est en son centre que seront placées les monuments funéraires de l'impératrice et de son époux, François-Etienne de Lorraine, bientôt cernés par les tombeaux de leur nombreuse progéniture, et notamment de leur fils, l'empereur Joseph II. En 1824, il est à nouveau nécessaire d'agrandir la nécropole : François II fait donc édifier une cinquième crypte (Franzensgruft) dans le style Biedermeier. En 1842, Ferdinand II profite de la reconstruction du monastère des Capucins, pour faire creuser deux nouvelles cryptes : une petite (Ferdinandsgruft) pour son sarcophage et celui de son épouse et une beaucoup plus grande (Toscanagruft) qui abritera jusqu'à 85 dépouilles. Finalement, en 1908, François-Joseph Ier fera lui aussi édifier une nouvelle crypte (Franz Josephs Gruft), où seront installées les tombeaux de son fils, l'archiduc Rodolphe, et de son épouse, l'impératrice Elisabeth, qu'il viendra rejoindre en 1916. Ce dernier caveau était doublé par une chapelle où se sont tenues une partie des cérémonies d'inhumation de l'empereur.

Le monument funéraire de l'empereur Charles VI.

Le monument funéraire de l'impératrice Marie-Thérèse.
Les sarcophages de François-Joseph, Sissi et Rodolphe.

Les travaux suivants ne datent que des années 1960. Une gigantesque crypte (Neue Gruft) est construite afin de désengorger les autres. Les cercueils qui y sont transportés peuvent désormais bénéficier d'une atmosphère propice à la conservation de leur structure en métal. On en profite pour totalement réorganiser le placement des dépouilles et les restes de dizaines de membres mineurs de la dynastie sont déplacés. L'ultime épisode de la crypte impériale des Capucins date de la fin du XXe siècle. Zita, la dernière impératrice d'Autriche, est inhumée dans la chapelle attenante au caveau de François-Joseph (Gruftkapelle), tandis qu'un simple cénotaphe est placé en hommage à son époux, l'empereur Charles Ier, dont la dépouille repose à Madère. Elle sera rejointe, en 2007, par son fils, Carl Ludwig, et finalement, le 16 juillet 2011, par l'archiduc Otto et l'archiduchesse Regina. Il ne reste qu'une place dans la crypte impériale de Vienne, réservée pour l'archiduchesse Yolande, auprès de son époux, Carl Ludwig.

Le tombeau de l'impératrice Zita et le buste de l'empereur Charles  Ier,
derniers souverains d'Autriche-Hongrie et parents de  l'archiduc Otto.

Au total, ce sont plus de 150 membres de la dynastie qui reposent sous l'église Sainte-Marie-des-Anges. Une seule personne n'appartient pas à la maison impériale : la comtesse Caroline von Fuchs-Mollard, qui fut la gouvernante de l'impératrice Marie-Thérèse et de ses filles. Il faut également noter que, pendant la période de l'exil, la plupart des archiducs furent inhumés dans la crypte de la chapelle de Notre-Dame-de-Lorette, au monastère bénédictin de Muri, près de Bâle, en Suisse.